Marie offre des pays - sages et des collines dédoublées de bleus, derrière lesquelles se cachent des dieux oubliés, assoiffés de pastis, s'ennuient-ils un peu?

Mais, ils sont prêts à faire leur bagage après la méridienne, pour aller s'ébrouer dans un canal flamand, lisse comme un miroir tout neuf. Les arbres se penchent pour voir arriver de loin, la péniche qui apportera une légion de putti descendus en rigolant des olympes du Lure et du Ventoux.

La maison du marinier a fermé ses volets, lui s'est mis en route de bon matin, la route sera longue jusqu'au canal du Midi. Ses semelles de vent n'ont laissé aucune trace sur le chemin de halage plus blanc que les fleurs des cerisiers, lustres discrets aux cristaux de pétales qui illuminent son âme vagabonde.

Marie peint une maisonnée innocente qui fixe l'œil, rien n'y manque de raisonnable, des tuiles romaines jusqu'au pin et sapin... Mais, haussez les sourcils et mesurez le risque d'avalanche douce qui vous menace... plus fessues qu'un Rubens, prêtes à descendre de la toile, des déesses anonymes rivalisent de croupes callipyges, teintées de blanc crémeux, de rose et de violines émouvantes avec des fossettes ombreuses et moussues. Une Provence maternelle a égoutté sa mamelle sur sa palette et l'on craint que le mistral refroidisse ses ardeurs de peintre.

Échappés d'une curieuse forêt d'herbes gigantesques, domaine réservé du Chasseur vert, les mariés du crépuscule, déjà somnambules lévitent dans leur tendresse sur la pointe de leurs chaussons de danse. Les nuées atténuent leur désarroi, les invités viendront-ils jamais ? Mais le Christ est au rendez-vous des amoureux, caché dans son fenestron, à moins horreur qu'il s'agisse d'un amant déçu ou plus bêtement du bedeau ! Les rois mages seront de la noce, mais après celles de Cana, il faudra être à l'heure au Contadour...

Marie aime le sérieux des dames, tout leur sert de rempart, un chat blanc outragé n'ignore rien des lassitudes du cœur de sa protectrice, une théière (donjon de la patience) ou une chocolatière blanches, elles aussi en savent long... Le miroir ne reflète que le geste dont on devine l'exactitude d'une éducation plus boutonnée que le manteau rouge et le chapeau dont il convient de ne pas se départir... avec les yeux clos, signe de distinction. Salon de thé solitaire, le miroir ne reflète aucune autre présence humaine et le chat blanc est resté à la maison...

Alors, comme à Ostende ou peut-être à Cassis, la mer du Nord apaisée, vient se réchauffer aux calanques, à moins qu'à l'inverse la grande bleue se donne des frissons nordiques... la nave va... Traçant sa ligne d'horizon, à bord l'équipage rêve de la peinture de Marie... les rois mages ont posé leur couronne, la mariée son voile, le chat blanc est aussi du voyage, et les déesses pètent dans la voilure, les dieux sont à la manœuvre, tout est bien, bon vent !

M.J.

21 04 2013

librement inspiré d'un envoi de photos de toiles dont on peut penser que l'ordre de présentation n'était pas tout à fait aléatoire...